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Yves Navarre, une vision transgressive de la sexualité et du genre

Dans son mémoire de Master, obtenu cette année à l’université catholique de Louvain-la-neuve, Amandine Maes propose une analyse originale, détaillée et très actuelle de l’homosexualité dans l’œuvre d’Yves Navarre. Si le thème de l’homosexualité chez Navarre a souvent été mis en avant, il n’a jamais été appréhendé dans le cadre d’une analyse sociocritique entièrement consacrée à l’auteur. L’étude est donc novatrice.

Amandine Maes propose d’examiner la place accordée aux héros homosexuels et la façon dont est traitée l’homosexualité dans sept romans d’Yves Navarre : Lady Black, Le Petit Galopin de nos corps, Kurwenal ou la part des êtres, Le Temps voulu, Portrait de Julien devant la fenêtre, Le Jardin d’acclimatation et Ce sont Amis que vent emporte. À l’origine de ce travail, précise Maes, figure le désir d’élucider l’apparent paradoxe qui mène l’auteur à valoriser l’homosexualité tout en mettant en scène des personnages apparaissant comme négatifs. En sélectionnant ces sept romans, Maes laisse délibérément de côté d’autres écrits des périodes envisagées comme Evolène et Je vis où je m’attache (années 70), Louise et Fête des mères (années 80) ou encore Douce France et Poudre d’or (années 90), entre autres exemples. Cette sélection nécessaire est justifiée par l’approche retenue et par la volonté de se concentrer sur un échantillonnage des écrits dits “homosexuels” de l’auteur.

Yves Navarre, un des précurseurs de la pensée queer

L’analyse s’inscrit dans un cadre sociocritique qui permet de replacer le corpus dans un contexte social précis (mai 68, années 70, mouvement de libération homosexuelle, dépénalisation de l’homosexualité, etc.) et dans la production littéraire des XIXe et XXe siècles. On notera en particulier les pages sur l’onomastique, l’intertextualité, l’identité homosexuelle, le motif du jeu, le travestissement, l’esthétique de la parodie, l’homosexualité et la paternité. L’application de la théorie queer (dans la troisième partie) révèle par ailleurs des aspects inédits ou peu souvent commentés de l’écriture navarrienne. Maes voit en Navarre l’un des précurseurs de la pensée queer, qui subvertit dans ses écrits les normes sociales, politiques, familiales, tant par le contenu des textes que par les procédés mis en œuvre dans l’écriture elle-même. Ainsi, contrairement à une lecture qui fait de Navarre un auteur somme toute conservateur sur le plan de la représentation de la question homosexuelle, Maes montre comment l’homosexualité et plus largement la sexualité et le genre sont en fait abordés de manière éminemment transgressive, et ce par des moyens divers parmi lesquels : le détournement des procédés littéraires d’écrivains qui l’ont précédé, la déstabilisation des normes et de l’immobilité sociales, l’éclatement et le “remodelage” du couple, la déconstruction de l’hétéronormativité, l’instauration d’un dialogue complexe entre pornographie et culture.

Le travail effectué par Amandine Maes est la preuve, si besoin en était, que l’œuvre d’Yves Navarre est bel et bien d’actualité, propre à toucher les lecteurs et lectrices d’aujourd’hui et à intéresser la critique. Malgré quelques erreurs factuelles, ce mémoire enrichit sans aucun doute les travaux déjà menés sur l’auteur. Il apporte un éclairage nouveau sur l’homosexualité dans l’œuvre en faisant appel à une palette de théories critiques et aux articles les plus récents consacrés à Navarre. On ne peut que se réjouir d’une telle initiative et souhaiter qu’elle mène à d’autres recherches sur l’œuvre navarrienne.

Sylvie Lannegrand

Mémoire d’Amandine Anna Maes (2016-2017)
“L’homosexualité dans l’œuvre d’Yves Navarre – pour une analyse sociocritique”
Faculté de philosophie, arts et lettres
Université catholique de Louvain-la-neuve

 

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