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25 années de correspondance entre Yves Navarre et Henri Baudin

L’universitaire Henri Baudin, qui fut le répétiteur des frères d’Yves Navarre, a entretenu une correspondance régulière avec l’écrivain. Ses enfants ont remis aux Amis d’Yves Navarre les lettres et cartes postales de l’auteur précieusement rassemblées par Henri Baudin. Un examen attentif assorti d’une retranscription minutieuse de ce legs permet d’en apprendre plus sur les liens qui unissaient l’écrivain, l’universitaire et leurs familles respectives. Cette donation apporte aussi un éclairage inédit sur l’activité littéraire d’Yves Navarre.

Cent cinquante feuillets de formats divers, représentant 84 lettres, notes et cartes postales manuscrites d’Yves Navarre ont été confiés par la famille Baudin aux Amis d’Yves Navarre à l’occasion du colloque consacré à l’écrivain le 25 octobre 2021 à l’Institut de France, en vue d’une future donation au fonds d’archives de Montpellier. Cette correspondance s’étend de manière quasi ininterrompue entre le 31 août 1970 et les vœux adressés par Yves Navarre à la famille Baudin pour l’année 1994, quelques jours avant le suicide de l’auteur. Elle vient compléter et éclairer la vingtaine de lettres d’Henri Baudin à Yves Navarre que celui-ci avait intégrées dans son Journal, déposé et consultable à BAnQ (Bibliothèque et Archives nationales du Québec).

Décembre 1979, message d’Yves Navarre rédigé sur trois feuillets d’un bloc. © DR Donation Baudin

Henri Baudin, révélateur d’une vocation littéraire et confident

La donation Baudin permet de mieux comprendre les rapports entre Henri Baudin et la famille Navarre que le lecteur attentif n’avait pas manqué de remarquer au fil des pages de Biographie, « roman » dans lequel Yves Navarre évoque à de nombreuses reprises Henri Baudin, reconnaissable sous le pseudonyme d’Antoine. Henri Baudin (1926-2013), avant de devenir maître de littérature française à l’Université de Grenoble III et critique littéraire, fut engagé par René Navarre (1906-1982), le père d’Yves, comme répétiteur auprès de ses frères aînés, François-Pierre et Jean-Jacques.

Henri Baudin deviendra très vite un confident, puis un ami pour le jeune adolescent. Il sera le témoin, sans doute quelque part le révélateur des premiers émois littéraires du futur écrivain. Il sera également pour lui un allié, un précieux intercesseur auprès de René Navarre, parfois même le seul lien entre un père et un fils qui longtemps ne parvinrent pas à se comprendre (deux lettres d’Henri Baudin à René Navarre datées de 1960, qu’Yves Navarre avait déjà intégrées dans Biographie, sont à ce titre fort révélatrices de leurs états d’esprit respectifs et des efforts du jeune agrégé pour temporiser une situation souvent conflictuelle entre le directeur de l’Institut français du pétrole et son benjamin).

Yves Navarre et Henri Baudin à Petit Pont, à Lioux, en août 1985. © DR Donation Baudin

Le témoignage de toute une vie d’amitié

La donation Baudin offre surtout désormais l’opportunité d’une correspondance croisée (idéale pour connaître les deux versants d’une amitié) même si celle-ci est incomplète. En effet, seules les lettres d’Henri Baudin intégrées dans le Journal d’Yves Navarre sont accessibles au public et aux chercheurs, à Montréal. Un certain nombre d’allusions, que ce soit dans tel ou tel échange ou dans Biographie, suppose l’existence d’autres lettres probablement égarées ou détruites. De multiples déménagements et la propension d’Yves Navarre à trier, ranger et… jeter sont à l’origine, hélas, de la disparition de beaucoup de documents. Il n’est pas impossible que de nouveaux éléments de cette correspondance soient un jour découverts.

Certaines années sont particulièrement riches d’échanges entre les deux hommes. Ainsi d’un déplacement d’Yves à Grenoble dans la famille Baudin, assorti d’une conférence (sur le mécanisme de la création publicitaire) auprès des élèves d’Henri. Une autre année, Yves se rend dans la maison de vacances familiale à l’occasion du mariage de l’une des filles de Madeleine et d’Henri. Parfois on perçoit une tension, consécutive à un malentendu, suivie d’un éloignement signifié dans le Journal de l’auteur. Mais bien vite un nouveau texte séduit Henri qui s’en ouvre à Yves et voilà l’émotion et la complicité retrouvées.

Un éclairage exceptionnel sur l’activité littéraire d’Yves Navarre

Les échanges entre Yves Navarre et Henri Baudin concernent bien des sujets, à la fois littéraires (Barthes et Gide ne sont jamais loin ; Boris Vian -auquel l’universitaire consacra plusieurs ouvrages- non plus), d’ordre domestique ou plus personnels, allant de la simple anecdote à des considérations plus philosophiques ou linguistiques. De nombreux éléments d’ordre biographique sont également confirmés, éclaircis, révélés parfois. Ils nous informent sur tel ou tel voyage ou déplacement, les circonstances dans lesquelles les épistoliers ont pu se retrouver, les multiples aléas des vies qui ont été les leurs. Enfin, il nous arrive de rencontrer des listes de corrections à effectuer ou de coquilles relevées par le professeur lors de la lecture attentive d’un tapuscrit.

Nous observons avant tout un éclairage exceptionnel sur l’activité littéraire d’Yves Navarre, avant même que son premier roman, Lady Black, ne sorte en librairies, en 1971, jusqu’à l’ultime œuvre publiée du vivant de l’auteur, Poudre d’or, en 1993. Nous récoltons des informations ou des échanges sur les textes achevés, en cours de rédaction ou encore à l’état de projet. Henri commente ce qu’il ressent à la lecture. Yves explique ce qui l’inspire, ce qu’il écrit. Tout cela provoque l’intérêt, la curiosité, l’émotion pour l’œuvre en train de s’écrire.

 

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